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Un village d'abeilles sur une Plaine en danger

Inauguré à la fin du mois de mai, le "Village d'Abeilles Sauvages" de l'ULB permettra de mieux connaître et faire connaître les abeilles sauvages présentes à Bruxelles. 

Ce village est installé sur le Campus de la Plaine, au coeur d'espaces verdoyants malheureusement menacés par d'importants projets immobiliers. Le plus grand espace vert de Bruxelles, noeud important du réseau écologique Bruxellois, recèle pourtant une diversité animale et végétale insoupçonnée qu'il nous faut préserver !

Le village des abeilles sauvages de l'ULB

Après celui de Mons, opérationnel depuis l'année dernière, c'est au tour du village des abeilles sauvages de l'ULB d'être officiellement lancé !

Initiés par Apis, et soutenus par le SPF Environnement et la Loterie Nationale, les Villages d'Abeilles Sauvages sont implantés sur les sites de trois universités, dans les trois régions : UMons, ULB et UGent.

Situé sur le superbe Campus de la Plaine, au-dessus du Forum, et à proximité immédiate des Expérimentariums de physique et de chimie, le village de l'ULB se veut un véritable havre de paix pour nos insectes préférés, et un outil important pour sensibiliser la population à l'existence et aux besoins de ces pollinisateurs essentiels.

Concrètement, le village se compose de deux éléments :

— des ressources, c'est-à-dire de la nourriture de qualité pour ces abeilles sauvages : plantes indigènes particulièrement adaptées à l'une ou l'autre espèce présente (ou que l'on cherche) dans les espaces verts environnants.
— des habitats potentiels, en proposant toute une série de nichoirs (tiges creuses, tiges à moelle, briques creuses, torchis, bac de sable, etc.) pour y accueillir les abeilles et leur suite.

Si ces installations sont conséquentes, en raison de leurs fonctions didactiques et scientifiques, tout le monde peut, à très petite échelle dans un jardin ou sur un balcon, mettre en place un petit paradis, en y joignant à la fois ressources et habitats !

Malgré son très jeune âge et la mauvaise saison, le site accueille déjà une impressionnante diversité d'abeilles, sans doute due à la richesse naturelle du site de la Plaine.

Le Campus de la Plaine menacé par des projets immobiliers

 

 

Malheureusement, cet immense espace vert est actuellement menacé par de nombreux projets immobiliers. Actuellement, c'est le projet Universalis Park qui fait débat ; celui-ci prévoit la construction de 3 immeubles (140 logements de standing, ni sociaux ni universitaires), une crèche, deux commerces, un parking souterrain à deux niveaux, des voiries et trois bassins d'orage, ce qui implique l'abattage de 157 arbres et la destruction d'espaces verts considérés comme à haute valeur biologique. Il se joint à d'autres projets immobiliers qui fleuriront un peu partout sur le site.

Noeud particulièrement important du maillage vert Bruxellois et de son réseau écologique, le Campus de la Plain abrite une diversité biologique impressionnante, tant végétale (plusieurs espèces très rares) qu'animale (de très nombreux oiseaux, mammifères et insectes).

Ouvert au public, le Campus de la Plaine offre un parc ensauvagé en plein coeur de la ville, répondant ainsi à la demande sociale de nature, de plus en plus pressante en milieu urbain, et offrant donc de très nombreux bienfaits scientifiquement prouvés : amélioration de la santé physique et mentale (maladies cardiaques, dégénérescences cérébrales, sénescence, dépression, épuisement dû au stress, etc.) tout en augmentant la sécurité, le mieux-vivre et le mieux-être.

À proximité de grands axes saturés, ces importantes surfaces vertes et ces peuplements d'arbres offrent également de nombreux services dits écosystémiques :
— infiltration des eaux et lutte contre les inondations provoquées par l'imperméabilisation galopante des surfaces ;
— capacité à rafraîchir l'air et lutter contre la chaleur urbaine (effet d'îlot de chaleur) ; 
— capture du CO2 et lutte contre le changement climatique ; 
— capture de nombreux polluants atmosphériques (gaz nocifs et particules fines cancérigènes dues aux combustions — chauffage, voitures, etc.)

À l'heure du Plan Nature ou d'une volonté affichée d'être une des capitales les plus vertes d'Europe, à l'heure de réflexions internationales sur la ville verte du futur, indispensable pour faire face aux défis auxquels l'humanité est confrontée, envisager de détruire de pareils espaces de nature nous apparaît incompréhensible et contraire à tout ce que la science nous apprend !

Ces visions urbanistiques sont dignes des années 70 et de leurs dépenses somptuaires, quand l'heure serait à la sobriété et à la décence. Ainsi, prétendre que ces constructions apporteront du logement et des espaces de bureau pour une ville en forte croissance démographique est un prétexte fallacieux, qui ignore les milliers de logements inhabités et laissés en proie à la ruine (entre 15 et 30 000 !), les bâtiments industriels qui pourraient être réaffectés, ou les surfaces démentes d'espaces de bureaux délaissés (1.200.000 mètres carrés en 2012 !)

Comme de nombreuses associations Nature — à commencer par Bruxelles Nature, à laquelle nous adhérons — et citoyens, nous regrettons que le cadre de vie et la nature de Bruxelles soient sacrifiés sur l'autel de l'urbanisation.

 

Que peuvent faire les citoyens, habitants du quartier, étudiants, naturalistes et citoyens concernés ?

Un important comité s'est mis en place pour défendre et promouvoir la protection de la Plaine et de ses espaces de nature.

Un site Internet richement documenté est en ligne depuis plus d'un an ; il recense les projets immobiliers, l'agenda des actions à mener, une pétition, des recensements d'espèces, etc. De nombreuses photos sont également disponibles sur le blog d'une naturaliste engagée, Liliwasibi

Une pétition circule actuellement sur Avaaz et a déjà récolté plus de 4000 signatures.

Un groupe Facebook actif s'est également développé.

[Edit] La commission de concertation s'est réunie le 19 juin dernier pour analyser le projet immobilier. Après défense du projet par ses promoteurs, les pétitionnaires ont présenté leurs arguments. Les étudiants de l'ULB ont notamment pointé les nombreuses erreurs, approximations et manquements du rapport d'incidence (document succint réalisé par l'architecte, au contraire d'une étude d'incidence complète réalisée par un cabinet d'expertise indépendant), ainsi que certains problèmes d'ordre juridique. La Fédération des Etudiants Francophone a également pris la parole, dénonçant l'organisation des réunions de concertation pendant la période de blocus et d'examens, ce qui ne permet évidemment pas la bonne implication des étudiants dans la défense de leur lieu de vie et d'étude. Enfin, Bruxelles Nature a défendu la position des associations naturalistes bruxelloises, regrettant l'ensemble du projet, la négligeance de la très haute valeur biologique du site, et le fait que les "incidences démesurées" du projet "n'ont pas été mesurées".

Le verdict du jury, pour les constructions, est favorable pour la commune d'Ixelles et l'urbanisme régional, défavorable pour la commune d'Auderghem. Bruxelles Environnement, les Monuments et Sites et la SDRB se sont abstenus. Pour les voiries, seule la commune d'Ixelles a remis un avis favorable (conditionné), contre l'avis négatif de la commune d'Auderghem et l'abstention des autorités régionales. [Voir, en complément, l'article du journal Le Soir]

 

Et au pire, que faire pour minimiser les dégâts ?

Si malgré la virulente opposition citoyenne, ces bâtiments devaient pousser sur le Campus, nous demandons que les impacts environnementaux et naturels des constructions soient réduits au maximum.

Ainsi, nous demandons que les incidences globales (énergie, climat) soient drastiquement réduites, avec l'utilisation des meilleures techniques et matériaux disponibles pour la construction et l'adéquation du bâti avec les dernières recherches scientifiques en matière d'architecture verte (la moindre des choses pour un campus universitaire !) ; les bâtiments se devraient d'être écoconstruits et passifs, visant une indépendance énergétique la plus grande possible ; de même, le cycle de l'eau doit être réfléchi et intégré (récupération des eaux de pluie, circuits différenciés pour les eaux peu et très polluées, lagunage extensif à envisager) ; une réflexion sur le traitement des déchets, avec des zones de tri collectif et des points de compostage collectif, doit être menée.

Les incidences locales devraient être également minimisées, en faisant appel aux connaissances scientifiques les plus poussées. L'implantation des bâtiments doit se faire préférentiellement sur les zones actuellement les plus pauvres en diversité biologique, préservant les espaces les plus riches (au contraire du projet actuel, qui construit sur les zones riches et entend "conserver" une zone de nature qui n'est, actuellement, qu'un parking !)

Les façades doivent être végétalisées de manière raisonnée (plantes grimpantes indigènes) ; des toitures vertes extensives (voire intensives) devraient accueillir une végétation indigène, idéalement issue des écotypes locaux prélevés in situ, par déplacement, bouturage ou semis des espèces déjà présentes sur le site ; les jardins et espaces privés devront se plier à des règles particulières fixées par le règlement de copropriété (choix des essences, plantation de haies, interdiction des substances phytopharmaceutiques, etc.) ; les espaces collectifs et publics seront gérés de manière exemplaire, selon les règles de la gestion différenciée et écologique, en laissant une large place à la nature spontanée, en bannissant l'emploi de produits chimiques, en limitant le recours aux machines (tondeuses), en recréant différents milieux (notamment des petites zones humides), et en privilégiant les essences indigènes, notamment par déplacement des individus existants quand c'est possible (ou remplacement par les mêmes écotypes) et replantation compensatoire (quantitativement et qualitativement) des arbres abattus ; les bâtiments devraient également intégrer, dès la phase de construction, des habitats pour la faune (différents types de nichoirs et abris pour oiseaux, chauve-souris et insectes).

Nous demandons donc de la région Bruxelloise et de la commune d'Ixelles, si elles décident de ne pas prendre en compte la protection intégrale de la nature rare et menacée dans la capitale, d'oeuvrer à tout le moins au développement d'une architecture ambitieuse, moderne et écologique, bien plus profitable à leurs images que ces pratiques rétrogrades et destructrices qui nous sont imposées.

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